mardi 8 juin 2010

Les classes Spéciales

Nous avons tous vécu des difficultés scolaires dès le début du primaire. Très tôt, nous avons été étiquetés au fer rouge : troubles d’apprentissage, troubles de comportement, dyslexique, hyperactif... Ces marques ne nous quittaient jamais et nous faisaient vivre plein de frustrations. On se sentait rejetés, démotivés et découragés. Notre confiance et notre volonté diminuaient de jour en jour ce qui nous amenait vers le décrochage. Quand nous avons réalisé que nous ne pourrions plus revenir dans les classes régulières une colère et un goût de vengeance ont monté en nous. ... On se sentait pris, enfermés et sans espoir d’avancer.

Jeunes de la Boîte à lettres, Décrocheurs ou décrochés, avril 2008.


La Boîte à lettres de Longueuil (Bàl), un organisme en prévention de l’analphabétisme et en alphabétisation pour les jeunes de 16 à 25 ans, aimerait réagir au propos de la ministre de l’Éducation parue dans l’article Davantage de classes spéciales pour les élèves en difficulté (La Presse, Katia Gagnon, 22 avril 2010). Notre expérience nous démontre que les classes spéciales dirigent les jeunes vers l’exclusion sociale.

Les jeunes que nous recevons à la Bàl ont non seulement des difficultés en lecture et en écriture, mais se révèlent également « hypothéqués » sur le plan humain. La grande majorité d’entre eux proviennent de milieux défavorisés, c’est-à-dire de familles dont le capital économique, social et culturel est déficient : difficultés à se loger, à se nourrir, à se vêtir, parents sous-scolarisés, absence de stimulation à la maison, violence, etc. De plus, sur le plan scolaire, ces jeunes ont été rapidement étiquetés, pour une large part, dès le premier cycle du primaire, comme ayant des troubles de comportements ou des troubles d’apprentissage, et se sont retrouvés dans les classes spéciales tout au long de leur parcours scolaire.

Leur vie familiale et scolaire a été trop souvent semée d’embûches, et ils se retrouvent, jeunes adultes sous-scolarisés, en détresse psychologique, isolés et exclus de la société. Plusieurs d’entre eux ont développé des dépendances aux drogues, à l’alcool, aux médicaments, ou autres. De plus, peu d’entre eux parviennent à intégrer le marché du travail de façon durable. Les emplois qu’ils occupent sont de courte durée, mal rémunérés et d’une précarité alarmante.

Notre expertise depuis 25 ans nous démontre que les jeunes passés par la Bàl et provenant des classes spéciales se sont construits par leurs étiquettes, par leurs difficultés, et leur soi-disant incapacité à fonctionner avec les autres, soit ceux des classes régulières. Cette construction s’est faite par l’identification à leurs manques, ils en ressortent donc grandement « hypothéqués » sur le plan humain. Les jeunes des milieux défavorisés ont donc été fragilisés non seulement dans leur milieu familial mais également dans le milieu scolaire.


Les classes spéciales sont présentées comme étant adaptées pour les jeunes en difficulté, comme étant les ressources adéquates. Mais comment peut-on affirmer cela quand présentement, aucune statistique n’est disponible au ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport touchant le taux de réussite ou d’échec scolaire des jeunes ayant cheminé dans les classes spéciales? Cette absence de données nous apparaît extrêmement préoccupante. La ministre de l’Éducation peut-elle, preuves à l’appui, démontrer très clairement que les classes spéciales conduisent les jeunes vers une réussite ? Comment peut-elle continuer à privilégier ce type de parcours  quand son ministère n’est pas en mesure de savoir si cela donne des résultats positifs? Comme nous n’arrivons pas à obtenir de statistiques à ce sujet, notre réflexion se base sur nos observations depuis 1983. Elles nous démontrent qu’ils en ressortent analphabètes, en détresse psychologique, isolés, sans diplôme et exclus de la société.

Nous sommes en accord avec la position des acteurs du milieu de l’éducation qui considèrent ne pas avoir les conditions nécessaires à une inclusion réussie. Toutefois, là où notre position diffère, c’est que plutôt que de viser l’inclusion, très souvent les acteurs du milieu de l’éducation se rabattent sur les classes spéciales donc l’exclusion, une « solution » connue, qui toutefois, toujours selon notre expérience, ne fonctionne pas.

L’école, le seul système obligatoire pour tous au Québec, est présentement un miroir des inégalités sociales. Comprenons bien nos propos, nous ne disons pas que l’école ou le système d’éducation produit les inégalités sociales, nous disons qu’elle continue à reproduire ces inégalités en fonctionnant comme elle le fait actuellement, en créant un parcours parallèle aux classes régulières.

Ce que nous avons constaté c’est que ce parcours « spécial » engendre des effets négatifs chez les jeunes:
    Le jeune intègre une représentation négative de lui-même;
    Le jeune éprouve des difficultés à entrer en relation
avec les autres;
    Le jeune développe des difficultés majeures en lecture et en écriture;
    Le jeune a un manque flagrant de connaissances;
    Le jeune en ressort avec une très faible estime de lui-même, en détresse psychologique, isolés, exclus et sans diplôme.

Nous souhaiterions que les acteurs du milieu de l’éducation valorisent l’inclusion des enfants en difficulté dans les classes régulières en exprimant haut et fort leurs besoins, afin que cette inclusion soit viable et réussie autant pour les professeurs que pour l’ensemble des élèves. Ne lésinons pas par rapport aux besoins nécessaires pour bien fonctionner dans les classes en intégrant ces jeunes en difficulté. Les coûts sociaux et économiques engendrés par l’analphabétisme et la pauvreté sont tellement élevés que la prévention demeure toujours gagnante et moins coûteuse.

Qu’attendons-nous pour reconnaître que le système d’éducation au Québec n’est pas un système à deux vitesses, soit le privé et le public mais bien à trois vitesses, le privé, le public et la voie de garage, celle des classes spéciales pour les élèves des milieux défavorisés.

Suzanne Daneau
Martine Dupont
Pour l’équipe de la Boîte à lettres de Longueuil
450 646-9273
www.boitealettres.ca

L’école : reflet des inégalités sociales

L’école : reflet des inégalités sociales

Merci madame Bazzo de mettre sur la place publique la problématique de l’analphabétisme (J’ai honte, Le Devoir, le jeudi 11 mars 2010). Nous, les travailleuses de la Boîte à lettres, un organisme de prévention de l’analphabétisme et d’alphabétisation pour les jeunes de 16 à 25 ans, ressentons toutefois le besoin de réagir à vos propos et d’apporter certaines nuances à quelques-unes de vos réflexions.

Nous sommes tout à fait d’accord avec vous quand vous écrivez que l’analphabétisme est un problème de société. Selon nous, l’analphabétisme est la résultante de la reproduction des inégalités sociales, auquel le système d’éducation contribue largement.

Notre expérience auprès des jeunes et de leur famille ainsi que plusieurs recherches récentes démontrent que la grande majorité des  familles de milieux défavorisés ont à coeur la réussite scolaire de leurs enfants. Cependant, les conditions difficiles auxquelles ces familles doivent faire face ne leur permettent pas toujours de soutenir minimalement leurs enfants. Souvent, les parents sont eux-mêmes sous-scolarisés, sont envahis par une détresse psychologique, luttent contre la pauvreté et tentent, tant bien que mal, de composer avec d’importants problèmes. Allons-nous leur demander de poser des actions qu’elles ne sont pas en mesure de concrétiser? Alors, quand vous mentionnez, comme plusieurs autres, « (qu’) il faut donner aux parents analphabètes les outils pour aider leurs enfants AVANT l’entrée à l’école et pendant le parcours scolaire », cette solution, selon nous, relève de la pensée magique. Elle renvoie encore la responsabilité exclusivement aux parents sans remettre en cause le système scolaire.

L’école a des attentes qui correspondent à celles d’un certain groupe social. L’enfant doit y entrer avec des connaissances et des comportements préétablis. Très souvent, les jeunes des milieux défavorisés demeurent perdants dans cette vision parce qu’ils ne proviennent pas de ce groupe social. Nous affirmons, pour notre part, que l’école doit accueillir l’enfant tel qu’il est. 

Le fonctionnement actuel de l’école repose sur une vision ethnocentrique. À cause de cette vision, elle étiquette rapidement l’enfant et tout aussi rapidement le dirige vers les classes spéciales (voie perçue comme une réponse adéquate pour les élèves en difficulté). Notre expérience depuis 25 ans, avec ces jeunes qui proviennent tous de ce type de classe, nous démontre qu’ils en ressortent analphabètes, en détresse psychologique, isolés, exclus de la société et sans diplôme. Ces jeunes auront des enfants, vivront des difficultés pour bien les accompagner, et le cycle de l’analphabétisme se perpétuera.

Qu’attendons-nous pour reconnaître que le système d’éducation au Québec n’est pas un système à deux vitesses, soit le privé et le public mais bien à trois vitesses, le privé, le public et la voie de garage, celle des classes spéciales pour les élèves des milieux défavorisés.

Suzanne Daneau
Martine Dupont
Pour l’équipe de la Boîte à lettres de Longueuil
450 646-9273
www.boitealettres.ca





lundi 7 juin 2010

OUVRE TA BOÎTE!

OUVRE TA BOÎTE C’EST :

- UN LIEU DE PRISE DE PAROLE  pour les jeunes qui ont quelque chose à dire sur l’école.

- UNE PLATE-FORME D’EXPRESSION pour tous les jeunes qui veulent s’exprimer par divers moyens de communication :
L’UTILISATION DE LA LECTURE ET L’ÉCRITURE de textes
L’UTILISATION DES MULTIMÉDIAS, DES ARTS…

- UN MOUVEMENT  de résistance, d’ouverture sur le monde comme une trace qui raconte et reconnaît qui sont les jeunes décrochés et où ils sont.

« OUVRE TA BOÎTE » POUR :

DIRE, AU NOM DES MILLIERS DE  JEUNES QUI TE RESSEMBLENT…

- Qu’ils peuvent refuser de porter les étiquettes qu’on leur a données, qu’elles sont des poids trop lourds à traîner
- Que tous leurs échecs scolaires ne sont pas uniquement de leur faute
- Qu’ils ont le droit d’être différents, sans se sentir des étrangers

DONNER TON PROPRE AVIS  sur ta propre vie.
FAIRE CESSER que ce soit toujours les autres qui parlent en ton nom