mardi 8 juin 2010

L’école : reflet des inégalités sociales

L’école : reflet des inégalités sociales

Merci madame Bazzo de mettre sur la place publique la problématique de l’analphabétisme (J’ai honte, Le Devoir, le jeudi 11 mars 2010). Nous, les travailleuses de la Boîte à lettres, un organisme de prévention de l’analphabétisme et d’alphabétisation pour les jeunes de 16 à 25 ans, ressentons toutefois le besoin de réagir à vos propos et d’apporter certaines nuances à quelques-unes de vos réflexions.

Nous sommes tout à fait d’accord avec vous quand vous écrivez que l’analphabétisme est un problème de société. Selon nous, l’analphabétisme est la résultante de la reproduction des inégalités sociales, auquel le système d’éducation contribue largement.

Notre expérience auprès des jeunes et de leur famille ainsi que plusieurs recherches récentes démontrent que la grande majorité des  familles de milieux défavorisés ont à coeur la réussite scolaire de leurs enfants. Cependant, les conditions difficiles auxquelles ces familles doivent faire face ne leur permettent pas toujours de soutenir minimalement leurs enfants. Souvent, les parents sont eux-mêmes sous-scolarisés, sont envahis par une détresse psychologique, luttent contre la pauvreté et tentent, tant bien que mal, de composer avec d’importants problèmes. Allons-nous leur demander de poser des actions qu’elles ne sont pas en mesure de concrétiser? Alors, quand vous mentionnez, comme plusieurs autres, « (qu’) il faut donner aux parents analphabètes les outils pour aider leurs enfants AVANT l’entrée à l’école et pendant le parcours scolaire », cette solution, selon nous, relève de la pensée magique. Elle renvoie encore la responsabilité exclusivement aux parents sans remettre en cause le système scolaire.

L’école a des attentes qui correspondent à celles d’un certain groupe social. L’enfant doit y entrer avec des connaissances et des comportements préétablis. Très souvent, les jeunes des milieux défavorisés demeurent perdants dans cette vision parce qu’ils ne proviennent pas de ce groupe social. Nous affirmons, pour notre part, que l’école doit accueillir l’enfant tel qu’il est. 

Le fonctionnement actuel de l’école repose sur une vision ethnocentrique. À cause de cette vision, elle étiquette rapidement l’enfant et tout aussi rapidement le dirige vers les classes spéciales (voie perçue comme une réponse adéquate pour les élèves en difficulté). Notre expérience depuis 25 ans, avec ces jeunes qui proviennent tous de ce type de classe, nous démontre qu’ils en ressortent analphabètes, en détresse psychologique, isolés, exclus de la société et sans diplôme. Ces jeunes auront des enfants, vivront des difficultés pour bien les accompagner, et le cycle de l’analphabétisme se perpétuera.

Qu’attendons-nous pour reconnaître que le système d’éducation au Québec n’est pas un système à deux vitesses, soit le privé et le public mais bien à trois vitesses, le privé, le public et la voie de garage, celle des classes spéciales pour les élèves des milieux défavorisés.

Suzanne Daneau
Martine Dupont
Pour l’équipe de la Boîte à lettres de Longueuil
450 646-9273
www.boitealettres.ca





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